Gérard Gelas:Nationale 7

Mercredi 23 Mai l'émission "des racines et des ailes " sur France 3, va parler de la nationale 7 : route mythique des vacances.

A cette occasion je ressors de mes tiroirs, pour ceux qui ne l'auraient pas lu, le superbe texte de Gérard Gélas (théâtre du chêne noir).

 

Extrait de

Chant pour le delta la lune et le soleil

De Gérard Gelas

Théâtre du Chêne Noir : 1974

La7

Laissez-vous envouter par cette mélodie verbale, essayez d’entendre la musique de la Provence et plus particulièrement d’une Route Nationale mythique. J’adore ce texte et je le déclame à tous ceux qui veulent bien me prêter l’oreille. Merci à Gérard Gélas de l’avoir écrit.

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Comme tout homme ; cet homme-là se baladait dans une vieille Ford rachetée au fleuriste des ferrailles abandonnées.

Et nous roulions au long du fleuve transformé en autoroute, et personne : ni Rimbaud, ni ce poète inconnu abandonné dans d’une salle d’égyptologie au musé du Louvre, personne ne chantait plus la7.

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Quand on disait la 7, on découvrait un type, qui remontait des sentiers de votre enfance et vous entraînait vers les collines où les genêts d’or parlent du printemps.

Quand on disait la 7, on entendait la mer, comme dans un de ces coquillages d’autrefois posé sur le marbre de la table de chevet.

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Et je me baladais dans cette vieille Ford quand : Halte, péage, Avignon 13 francs cinquante.

Avignon, Avignon.

Alors, le type comme tout homme, l’homme à la vieille Ford quoi, ce type, cet amour, cette conversation de moi-même, celui-là, il tourne le volant, et le monde, et nous remontons vers Lyon comme une bulle de ferraille. Vers Fezin et les premières cheminées d’usine se projetant sous la grisaille et dans les feux du brouillard où nous dissimulons notre appréhension de ne jamais retrouver la7, et ce panneau où il n’y avait pas écrit péage, mais seulement la direction d’Avignon. Au carrefour des aubépines sous le regard de ma vieille amie Nadja.

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Pardon, pardon le monde, vieux truc accroché à la portière comme le stupide voile blanc des mariés coin, coin.

Pardon, pardon le monde, nous cherchons la 7 et ses matins. Seulement la 7, seulement la 7, vous ne connaissez pas ?

La7, au long du Rhône vous savez ce fleuve qui vient de suisse et qui se jette dans la Méditerranée, or géographique, à deux pas du delta du Nil son vieux compagnon de voyage qui lui apporte des nouvelles du ciel quelque part, dans les palais souterrains de notre dame la terre sous la mer.

Pardon, pardon le monde, vieux truc grimaçant comme les pubs déverseurs de poison. Pardon, pardon le monde nous cherchons le Rhône, vous savez, ce fleuve qui coulait autrefois le long de la 7. Le Rhône, cette enfance, cette abondance et ses inondations. Le Rhône et cette odeur de printemps et l’amour sur le lit de ses galets, draps blancs découverts par l’été.

Nous cherchons le Rhône comme une part de nous-même comme la route des phares et sa lumière.

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Car vous ne croyez tout de même pas, qu’un homme, ne vit, que dans ce que vous appelez le présent ?

Je vis aujourd’hui, quand les pyramides dérivaient sur le Rhône et que les Arlésiennes chantaient la vallée des étoiles dans la barque du soleil.

Je vis aujourd’hui avec tous ceux qui ont vécu sur les routes d’hier

Aujourd’hui, quand les tamaris du delta nous servaient de litière pour le repos, après la course des oiseaux.

Je vis aujourd’hui, quand la vielle Ford nous servait de volière sans vitre.

Je vis aujourd’hui, au siècle des princes déchus, avec les peuples triomphants. Et ce vieux syndicaliste qui me disait : merde c’est dommage qu’il n’y ait plus de grève de papillons, on s’amusait bien quand même avant la révolution.

Je vis aujourd’hui avant la mort, avec la mort et toutes ses passions.

Près du Rhône aujourd’hui, quand il ne souffle plus les contes d’Andersen aux oreilles des enfants de la7 ; quand il n’y a plus de 7 et plus de Rhône.

Je vis quand même aujourd’hui près du Rhône, aujourd’hui à vingt mille galaxies sous tes yeux un peu comme on vivrait dans une valise à double-fond, mais transparente.

Je vis dans le détroit de l’imagination quelque part entre la lune et le soleil, entre Avignon et le delta.

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Si quelqu'un arrive à le faire!!!!!!! il faudrait que  Thierry Dubois vienne sur ce site pour lire ce texte.

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