19 Le Sapin et le Rouge Gorge

Le sapin et le rouge gorge

Adapté et complété pour le racontage par

Françoise CONTAT

d’après un conte de Jean Comes-Nogues

Une instit m'a demandé un conte sur l'hiver.

L'épisode du nid m'a été raconté par un vieux bucheron provençal qui travaillait encore à la main et respectait la vie et la nature.

C'est donc une histoire vraie

Je  connais un vieux sapin magnifique, gigantesque qui vit au centre d’une épaisse forêt. Quand je passe près de cette forêt je n’oublie jamais d’aller saluer mon ami.

Voici l’histoire qu’il m’a racontée un après-midi où je m’étais endormie près de son tronc, dans l’ombre de ses branches.

Quand j’étais tout petit, je vivais avec mes frères dans une sapinière de sapins de Noël. Chaque année les bûcherons venaient couper les arbres qui étaient assez gros pour être vendus.

Quelques jours avant ils les marquaient d’une grande croix à la peinture blanche sur le tronc.

Chaque année je tremblais que ce soit mon tour.

Mes frères étaient heureux d’être choisis pour présider à la fête. Ils rêvaient tous de bougies, d’étoiles d’or et d’argent, de guirlandes multicolores. Ils rêvaient tous de voyages et de grandes capitales : Paris, Londres, Oslo, New-York .   

Moi dans mon coin, je ne disais rien. Je n’aime ni le luxe ni la gloire d’un jour. Aux étoiles d’or et d’argent je préfère les vrais étoiles qui tremblent dans le ciel limpide. Aux longues guirlandes multicolores je préfère les cristaux de glace dont l’hiver habille mes branches.

Les premières années les bûcherons passaient à côté de moi sans me voir. Les années suivantes je laissais pendre piteusement mes branches et inclinais légèrement ma cime pour ne pas être choisi. Une année pourtant une grande croix de peinture blanche sur mon tronc indiquât que je serais coupé.

Cette année-là, quelques jours avant la fête, j’ai vu venir à moi papa rouge-gorge qui avait, avec sa famille, passé l’été à l’abri de mes branches.

-          Pourquoi es-tu si triste ? Gentil sapin mon hôte, me dit-il.

-          C’est bientôt Noël et je vais être coupé.

-          C’est le sort de tous les arbres de la sapinière et ils sont heureux de cela. Pourquoi ne l'es-tu pas ?

-          Je veux rester ici, j’y suis bien. Je ne veux pas voir le monde.

-          Je n’ai que mes petites ailes mais elles sont à ta disposition. Tu m’as si bien abrité l’été dernier que je veux faire quelque chose pour toi. Ma femme est partie avec les enfants passer l’hiver en Afrique Je suis seul et mon temps m’appartient……… J’ai une idée, gentil sapin mon hôte patiente et tu comprendras.

L’idée de papa rouge-gorge était d’aller voir le bonhomme hiver. Il a dit-on de la neige au menton et du ciel dans la prunelle car blanche est sa barbe et bleus sont ses yeux. Il a dit-on de l’astuce plein la tête pour protéger la terre et la mettre en sommeil.

Et papa rouge-gorge se mit à chanter ; par les pentes abruptes, par les sommets escarpés :

-          Bonhomme hiver, bonhomme hiver gentil sapin mon hôte pleure dans la sapinière, il ne veut pas être coupé.

Par les pentes abruptes, par les sommets escarpés, bonhomme hiver a répondu :

-          Rouge-gorge mon ami, rouge-gorge mon ami, écoute ce qu’il faut faire et hâte toi.

En revenant près du sapin papa rouge-gorge marmonnait.

-          Du bricolage, me faire faire ça en plein hiver, mauvais travail, mauvais travail !

Il s’affaira pourtant. Une brindille de noisetier par ci, un peu de laine laissée sur un buisson de ronces par la dernière brebis de l’été par là. D’un coup de bec précis il pliait une tige, redressait un entrelacs. Bientôt le nid apparut.

-          Gentil sapin mon hôte comprends-tu à présent ?

-          Tu fais un nid en plein hiver ! Non, je ne comprends rien.

Papa rouge-gorge repartit, vola jusqu’au torrent et choisit, dans l’eau claire, deux petit galets beiges mouchetés de brun. Il les prit un à un dans son bec et les déposa délicatement au creux du nid.

Au petit matin, quand les bûcherons arrivèrent dans le sous-bois, ils virent un spectacle bien étrange. Eclairé par un soleil timide, sur la basse branche d’un sapin, un rouge-gorge, plumes gonflées, couvait, à demi recouvert par la neige.

Est-ce pour l’oiseau ?

Est-ce pour le nid ?

Est-ce pour les œufs

Cette année-là les bûcherons ne m’ont pas coupé.

Depuis ce jour aucun bûcheron n’est remonté dans la sapinière qui au fil des années est devenue une forêt épaisse aux essences variées. Quant à moi j’ai grandi en paix et j’abrite sur mes branches des rouges-gorges été comme hiver.

FIN

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