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Zara la Tsiganne

 

ZARA LA TSIGANNE

adaptation au racontage de

Françoise Contat

 

Sur les rives du grand fleuve, auprès du lac aux eaux de plomb, au cœur des terres mouvantes ; vivait un peuple venu d’Egypte, sous la protection du Dieu Râ et de leur reine Sara la noire.

 

Cet automne là le ciel était en colère; le vent mêlait le sable et l’eau, le fleuve grossi par les pluies repoussait les eaux salées qui luttaient et grondaient. Sara depuis plusieurs jours arpentait la plage de long en large. Elle était prise par des songes cauchemardesques où une frêle embarcation démâtée luttait contre les éléments et s’engloutissait à jamais dans les eaux sombres. Elle ne pouvait plus joindre les paupières sans entendre, dans les cris du vent les appels de détresse des naufragés voués à une mort certaine.

 

Ses lieutenants la suppliaient de quitter ce pays d’écume et de vent et de rallier les autres familles dans une contrée plus hospitalière. Elle s’y refusait prise par ses tourments. Ils suppliaient : « Reviens près de nous dans le cercle des chariots ; partons hommes et bêtes ont peur»

 

Un matin pire que tout autre elle se leva le front moite et sortit de son abri. Dressée face à la mer immense elle cherchait. Le vent, soulevait le sable qui griffait les jambes nues, déchirait ses cheveux qui fouettaient son visage soucieux. Les yeux plissés par la force des embruns elle essayait de voir plus loin que le soleil naissant.

 

Les hommes l’avaient rejoint et faisaient cercle autour d’elle. Déjà les femmes à leur suite la pressaient de se mettre à l’abri ; quand soudain, sous le halo de lumière, dans un déchirement de brume, ils virent la barque qui luttait avec les flots.

 

Sara, le cœur gonflé comme la houle de la mer se précipita. L’eau à mi-cuisse elle tendait les bras vers le ciel. Tout là-bas, sur l’embarcation, au-delà des brisants il semblait une voile. Une femme retenait son étole de soie que le vent tentait de lui arracher. Elle s’allongeait en tourbillonnant. Prise d’inspiration, Sara ôta le grand châle de laine qui la protégeait du froid et d’une main sure le laissa prendre le vent. Il claqua, s’étira, s’étira. Le morceau de soie faisait de même ; il s’étirait, s’étirait. La fine soie d’orient rejoignit bientôt la laine tissée par des mains expertes. Les deux œuvres de femmes étrangères se nouèrent par un lien indestructible. Bientôt tous tirèrent sur ce cordage improvisé. La barque tanguait et se rapprochait. Ils tirèrent à nouveau comme on monte un filet rempli de prises frétillantes. La mer ne voulait pas lâcher sa proie.  Comme elle redoublait de colère ils sentirent tous irradier en eux le diamant noir qu’ils avaient au fond du cœur et dans un cri commun arrachèrent les survivants aux flots rageurs. Un dernier effort, la barque fendit le sable mouillé. Bientôt, laissant la tempête derrière eux, les passagers posèrent le pied sur la terre ferme. 

 

Ils étaient au nombre de sept : Les deux tantes de Jésus de Nazareth ; Marie Salomé et Marie Jacobé. Marie madeleine qui habitera la plaie du dragon de la grotte de la Sainte-baume ; Sainte Marthe qui débarrassera Tarascon de la bête immonde appelée la tarasque ; Saint Maximin qui fondera l’abbaye du même nom ; Lazare, l’aveugle né qui évangélisera la Crau ou poussent les pierres et les moutons et Sarah leur servante. C’est à elle qu’appartenait l’étole de soie.

 

Quelques mois plus tard tous prirent leur chemin. Seules restèrent les deux Marie, trop âgées pour entreprendre un voyage. Sara qui était une enfant du vent et traversait régulièrement l’Europe décida de se sédentariser avec son peuple pour les accompagner dans leur vie et après. Elle fonda une ville et bâtit une église pour y déposer un jour leur dépouille.

 

Ferrailleurs, rempailleurs de chaises, musiciens, tireuses de cartes, diseuses de bonne aventure, vendeuses d’épingles, avaient trouvé leur sainte patronne. Sara la vierge noire qui sait faire irradier en eux le diamant noir qu’ils ont au fond du cœur.

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