Nicomède

Nicomède

Par Françoise Contat

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Quand je faisais partie du groupe actif des conteuses de « Parole et Merveilles » nous devions apprendre un conte chaque mois selon un thème. Cette fois-là ce fut sur la mort. Après des recherches infructueuses, selon mon humeur positive à l’époque,  je décidais d’écrire ce conte.

Nicomede 001Par un sombre après-midi d'automne.... Non, ça ne va pas. Je vais dire....... Par un agréable après-midi de printemps. Ça va mieux, non ?

Donc, par un agréable après-midi de printemps, la mort se promène sur la lande. Elle voit un chemin poussiéreux bordé de deux murs de pierre. Elle emprunte ce chemin et se met à le suivre. Elle marche un long moment. Il fait très chaud. Elle a du se tromper car le village est encore loin et il n'y a aucune maison dans le voisinage.

Que fait donc la mort, perdue, sur ce chemin poussiéreux?  Elle transpire.... Vous allez me dire que la mort ne transpire pas. Qu'est-ce que vous en savez ? Elle transpire parce qu'elle a chaud. Alors, pour se rafraîchir, elle retourne les pans de son manteau sur ses épaules, découvrant ainsi, sa faux qui brille dans le soleil.

Le vrombissement d'un moteur se fait entendre. La mort n'a que le temps de se jeter sur le bas côté. Dans un nuage de poussière un 4x4 la dépasse. Un coup de frein, un crissement de pneus, le véhicule se met à reculer vers elle.

- Eh ! La mort, t'a l'air crevée, viens monte, le village est à deux bornes. Dit une voix venant de l'intérieur du véhicule. La mort interloquée monte, sans réaliser ce qu'elle fait.

- Salut, dit la voix, tu vois, moi avec cette chaleur, je n'aurais jamais osé prendre ton costume.

- Prendre mon costume, dit la mort en se tournant vers la voix, qui se trouve être celle du conducteur. La mort constate qu'elle est à côté d'un diable. Tout de rouge vêtu, avec des petites cornes sur la tête et le visage couvert d'une épaisse moustache noire.

- Pourquoi voulais-tu prendre mon costume, dit la mort d'une voix d'outre-tombe.

- Parce que je t'aime, répond le diable.

- Tu m'aimes! s’étrangle la mort.

- Oui, car tu es juste. Tu frappes le riche comme le pauvre. Tu es incorruptible et pour peu qu'on te prie tu viens toujours. Qui peut prétendre à autant de droiture. La mort ne dit plus un mot. En arrivant aux abords du village, elle descend de voiture, claque la portière et reste quelques instants à regarder s'éloigner le 4x4.

Elle se sent soudain happée par une main vigoureuse qui l'entraîne vers la place du village, où règne une effervescence indescriptible. Ce n'est que cris, rires et musique. Entraînée dans une farandole infernale, la mort voit défiler devant elle diables et démons, sorcières hirsutes, magiciens aux regards de braise. Harpies, gorgones, lutins maléfiques... Il y a dans le village un magnifique carnaval.

- Viens la mort, viens boire à notre santé. Entraînée dans le tourbillon, la mort danse, la mort boit. En fin d'après-midi, la mort assise sur un banc de pierre froide, tente péniblement de reprendre ses esprits quand elle entend.

- Alors, la mort, tu dors! C'est le conducteur du 4x4 qui interpelle la mort.. Vous savez... le petit diable tout de rouge vêtu.

- Tiens, tu as oublié ta faux dans ma voiture, j'espère qu'elle ne t'a pas manqué ? La mort le regarde tristement, elle parait si fatiguée que le jeune homme met la faux sur son épaule, prend le bras de la mort et l'aide à se lever.

- Viens je te raccompagne. Ils montent tous les deux dans le 4x4. Un peu plus tard le véhicule s'arrête. La mort descend. Le jeune homme lui tend la faux par la portière ouverte, et démarre. Quelques mètres plus loin, il se penche à la portière et dit:

- Au fait, la mort ! Il y a un truc marrant, ta faux porte le même nom que moi : NICOMEDE et il s'éloigne dans un nuage de poussière en agitant par la fenêtre ouverte sa main en signe d’adieu.

NICOMEDE, un nom rare, et tellement difficile à se rappeler, que la mort, ce matin, pour ne pas se tromper, l'avait fait graver sur sa faux.

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