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Le seigneur d’Aubagne

Le seigneur d’Aubagne

De Françoise Contat d’après Suzanne Dumas-Decques

Le seigneur baron d’Aubagne  Charles de Castillon avait trois fils : Ainé, Cadet et Benjamin qui étaient son honneur et sa fierté.

Le seigneur Charles  d’Aubagne aimait son pays d plus que tout autre. Chaque matin il montait à la haute tour de son château pour regarder son pays.

Il regardait la montagne de Garlaban qui le dominait de sa roche blanche comme enneigée par le soleil matinal.

Il regardait le fleuve qui serpente dans la vallée et se jette dans la mer méditerranée.

Il regardait les terres cultivées sur ses rives et les pins qui couvraient les pentes des collines de leur chevelure verte où parfois la flamme noire d’un cyprée s’élevait vers le ciel, comme une prière.

Petit à petit le seigneur Charles d’Aubagne se rendit compte qu’il ne distinguait plus la crête du Garlaban, que le fleuve devenait flou, que la nature tremblait devant ses yeux. Il fallait se rendre à l’évidence : il devenait aveugle. Il n’en aima pas moins ses fils et son pays.

 Chaque jour il montait à la haute tour ; non pour regarder son pays, mais pour le respirer. Il sentait la terre humide après la pluie, promesse de récoltes abondantes et quand le soleil brulait il s’enivrait des parfums entêtants : du thym, du romarin et de la lavande.

Chaque matin il montait aussi à la haute tour pour écouter son pays : Le chant des cigales bien sûr ; mais aussi le cri des goélands argentés qui annoncent un coup de vent en mer quand ils remontent le fleuve et le beau temps quand ils le descendent.

Un matin où il écoutait son pays il entendit le vent lui dire : « Seigneur d’Aubagne, seigneur d’Aubagne si tu veux recouvrer la vue, cherche la fleur de vérité. »

Il parla de ce qu’il avait entendu à sa femme et à ses trois fils. Et ajouta : « Je donnerai ma baronnie à celui de vous, mes fils bien aimés, qui trouvera cette fleur et grâce à elle me rendra la vue.

Aussitôt Ainé ce proposa pour cette quête. Le lendemain matin son père lui donna son meilleur cheval et sa mère descendit aux cuisines et lui ramena un sac avec : du pain et du fromage, et une outre de lait pour son voyage.

Ainé chevaucha trois jours, deux nuits il dormit sur le bord du chemin. Au soir du troisième jour il arriva devant un large fleuve. Pas de pont, pas de gué. Est-ce que son voyage allait s’arrêter là ? 

C’est à ce moment qu’il entendit un enfant hurler. Il se retourna et vit une femme maigre, décharnée qui portait dans ses bras un enfant qui criait. Il cria lui aussi : « Femme fait taire cet enfant !  Ses cris me cassent les oreilles, c’est insupportable ». La femme répondit : « Je ne puis seigneur, il a faim, n’auriez-vous pas quelque chose pour le soulager ?».

Je n’ai rien répondit ainé et il piqua son cheval.

La fleur de vérité il l’a cherché, de par le monde il l’a cherché mais il ne l’a pas trouvée.

Sur le chemin du retour, il est passé par la ville des plaisirs. Là il y avait une taverne. Par la fenêtre on entendait des rires et des chansons. Il est entré, il a bu, il a mangé et il est resté.

et ……. un an a passé.

Pendant ce temps-là au pays d’Aubagne on s’impatientait et Cadet décida de partir à son tour. Son père lui prépara son meilleur cheval et sa mère prit dans les cuisines : du pain, du fromage et une outre de lait.

Cadet chevaucha trois jours, deux nuits il dormit sur le bord du chemin. Au soir du troisième jour il arriva devant un large fleuve. Pas de pont, pas de gué. Est-ce que son voyage allait s’arrêter là ?  

C’est à ce moment qu’il entendit un enfant hurler. Il se retourna et vit la même femme que son frère : maigre, décharnée qui portait dans ses bras un enfant qui criait. Il cria lui aussi : « Femme fait taire cet enfant !  Ses cris me cassent les oreilles ». La femme répondit : « Je ne puis seigneur, il a faim, n’auriez-vous pas quelque chose à lui donner ? ».

J’ai bien de quoi manger et de quoi boire, répondit Cadet ; mais j’en ai besoin pour une quête que je dois faire pour mon père ; je suis désolé femme, je ne peux rien pour toi, adieu ». Et il éperonna son cheval.

La fleur de vérité il l’a cherché, de par le monde il l’a cherché mais il ne l’a pas trouvée.

Sur le chemin du retour il est passé par la ville des plaisirs. Là, il y avait une taverne. Par la fenêtre ouverte on entendait des rires et des chansons. Il a reconnu la voix de son frère. Il est entré, il a bu, il a mangé et il est resté.

et ……. un an a passé.

Benjamin décida de partir lui aussi chercher la fleur de vérité. Comme pour ses frères son père lui donna un cheval et sa mère  prit dans les cuisines : du pain, du fromage et une outre de lait.

Benjamin chevaucha trois jours, deux nuits il dormit sur le bord du chemin. Au soir du troisième jour il arriva devant un large fleuve. Pas de pont, pas de gué. Est-ce que son voyage allait s’arrêter là ? 

C’est à ce moment qu’il entendit un enfant hurler. Il se retourna et vit la même femme que ses frère : maigre, décharnée qui portait dans ses bras un enfant qui criait. Il cria lui aussi : « Femme fait taire cet enfant !  Ses cris me cassent les oreilles ». La femme répondit : « Je ne puis seigneur, il a faim, n’auriez-vous pas quelque chose  à lui donner pour le soulager ? ».

Il dit aussitôt en sautant de cheval : « Bien sûr, j’ai tout ce qu’il faut ». Il attrapa l’outre de lait et la tendit à la femme qui la pencha vers l’enfant et l’enfant qui se mit à boire goulument. Puis il ajouta : « Femme j’ai aussi du pain et du fromage, tu as l’air d’avoir faim toi aussi ; installons-nous dans l’herbe et mangeons ». L’enfant s’étant endormi apaisé, ils partagèrent leur repas. Une fois rassasiée la femme lui demanda :

-Où vas-tu ?

-Je fais une quête pour mon père qui est aveugle.

-Et que cherches-tu ? 

-La fleur de vérité pour lui rendre la vue.

-Tu as de la chance, je suis la gardienne de la fleur de vérité. Elle est là tapie au fond de cette grotte. Et elle lui désigna une excavation sombre qu’on devinait à peine.

Le jeune homme entra dans la grotte. Tour au fond, sur un lit de mousse, était une fleur toute blanche, perlée de rosée. Il la cueillit avec délicatesse, l’enveloppa dans un linge fin et revint à la lumière. Il voulut remercier la femme mais elle avait disparu avec l’enfant. Heureux il reprit le chemin d’Aubagne.

Sur le chemin du retour il est passé par la ville des plaisirs. Il a entendu des rires et des chansons qui venaient d’une auberge, dont la fenêtre était ouverte et dans ses rires et ses chansons il a reconnu la voix de ses frères ; alors il est descendu de cheval et il les a appelés. Ainé et Cadet sont sortis. Benjamin tout heureux a pris la fleur des fontes de sa selle en disant « j’ai trouvé la fleur de vérité, notre père est sauvé ». Les deux frères ont alors proposé à Benjamin d’arroser son succès et ils sont entrés dans l’auberge. Vers la minuit ils sont ressortis tous les trois. Benjamin était soutenu par ses frères car il avait beaucoup bu. Ils l’on jeté en travers de sa selle, ils l’ont entrainé vers la forêt et là tandis que Cadet le maintenait, Ainé lui a planté un couteau dans le cœur. Ils ont fait rouler le corps dans un trou du terrain et l’on recouvert de terre à la hâte. Ils auraient dû regarder mieux avant de partir car la main de Benjamin sortait du sol.

De retour dans le château paternel ils allèrent voir l’apothicaire qui prépara un baume avec la fleur. Ils amenèrent ce baume et enduisirent les paupières de leur père. La première chose que le seigneur Charles de Castillon vit en ouvrant les yeux fut ses fils bien aimés. Il était au comble de la joie. Ce ne fut que festins et divertissements pendant plusieurs jours.

Puis, un matin, le seigneur d’Aubagne monta à la haute tour. Il ne regardait plus son pays, il n’écoutait plus son pays, il ne sentait plus son pays ; il attendait le retour de Benjamin.

Pendant ce temps-là, dans la forêt, des cinq doigts de Benjamin poussèrent cinq roseaux. Un petit pâtre qui passait par là coupa un des roseaux et s’en fit un pipeau. Il porta le pipeau à ses lèvres et le pipeau se mit à jouer seul :

    «  Berger gentil berger,                                  

     Va-t’en dire à mon père

     Que pour me voler la fleur de vérité          

     Mes frères m’ont assassiné. »

Le petit pâtre savait que le seigneur d’Aubagne cherchait son fils et il apporta la flute enchantée au château. Tout craintif il entra dans la grande salle où étaient installés autour de la table le seigneur d’Aubagne, sa femme et les deux fils ainsi que des amis et leurs gens. Il tendit le pipeau à la Dame d’Aubagne, quand elle le plaça au bord de ses lèvres, le pipeau se mit à chanter :

    «  Oh mère douce mère

     Pour me voler la fleur de vérité               

     Mes frères m’ont assassiné. »

Les convives stoppèrent net leurs discussions. La Dame d’Aubagne tendit le pipeau à son époux et le pipeau se mit à chanter :

    «  Oh père mon bon père

     Pour me voler la fleur de vérité          

     Mes frères m’ont assassiné. »

Le seigneur d’Aubagne tendit le pipeau à Cadet qui ne put faire autrement que de le porter à ses lèvres et le pipeau accusa :

     «  Oh frère maudit frère

     Tu ne m’as pas assassiné          

     Mais tu y as contribué. »

Le silence était total. Cadet donna le pipeau à Ainé qui dû lui aussi, devant l’assemblée stupéfaite, le laisser chanter :

     «  Oh frère maudit frère

     Pour me voler la fleur de vérité          

     C’est toi, qui m’as assassiné. »

Le seigneur Charles d’Aubagne se leva, il était blanc de colère il cria, le bras tendu, le doigt menaçant: « Hors de ma vue, fils indignes : fuyez, ma colère, fuyez ma maison ». Les deux fils sortirent en courant sautèrent sur le premier cheval trouvé et disparurent à la vue de tous.

Le seigneur d’Aubagne demanda au petit pâtre de lui montrer où il avait coupé son pipeau. Il réunit les restes de Benjamin et les enterra sur le sommet de la colline, dans la terre de la cour haute du château.

Si vous allez un jour à Aubagne - du château il ne reste que la porte Gachou - demander le vieux cimetière. Là, tout au fond, vous trouverez une tombe couverte d’une pierre où ces mots sont gravés : Ci git l’enfant que ses frères ont assassiné. Vous déposerez alors une fleur blanche ; ainsi l’enfant saura qu’on ne l’a pas oublié.

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