Les Dames de Marseille

 

 

Les Dames de Marseille

      Françoise Contat d’après "l’histoire au coin des rues" de Simone Tournon

 

En 1524 Charles III de Bourbon, le héros de Marignan (14 sept 1515 victoire sur les suisses pendant la guerre d’Italie) se fâche avec François Ier. Traitre à son roi il se met au service de Charles Quint (1500-1558) Empereur Germanique (roi de : Castille, Aragon, Naples et Sicile). Le 10 juillet 1524 avec son armée, il passe le Var et occupe Antibes, puis Fréjus, puis Draguignan. Brignoles résiste, elle est mise à sac, Aix se rend sans combat. Marseille mobilisée le 2 Aout est investie le 16 et un siège très dur commence  dans la chaleur et la sècheresse. (2 mois).

 

     Au soir du 28 Septembre 1524, une brèche est ouverte dans le mur d’enceinte de la cité phocéenne. Les hommes épuisés par les combats dorment à même les remparts. Demain Marseille sera prise. A la faveur de la lune, une femme seule erre. Elle  est en sabots et relève sa lourde jupe sombre pour enjamber les blocs et les corps. Elle s’arrête et essuie, d’un morceau d’étoffe, son cou moite. Son corsage clair et son bonnet blanc se détache sur le drap sombre de la nuit.  Elle lève les yeux et, soudain, aperçoit la brèche.

 

Une autre femme s’approche, elles échangent quelques mots dans l’air moite et repartent. Quelques minutes plus tard elles sont sorties des maisons, des ruelles, des cours où elles dormaient, à la fraîcheur, et le travail s’organise. Car c’est un véritable travail que de remonter des blocs de pierres pour reconstituer un mur. Elles saisissent les blocs à deux, les transportent, les positionnent, les équilibrent dans un va et viens continu et silencieux. Il ne faut pas que l’ennemi perçoive la moindre activité qui pourrait l’alerter. La nuit les protège, la lune est leur complice bienveillante. Le travail se durcit. Il faut monter les blocs, plus haut. La terre trempée de sang et de sueur sert de mortier. Châles et fichus attachés ensembles servent d’outil de levage ; les jupes se maculent de terre à force de servir, tenues à deux mains, de sac de transport. Aucun ordre, aucun mot. Le travail s’effectue. Le jour se lève déjà, le rythme s’accélère mais une femme crie victoire et plante rageuse une lance porte drapeau dans le sommet du mur reconstruit.

 

Charles de Bourbon était venu pour offrir la Provence à Charles Quint. Les Dames de Marseille l’ont tenu en échec une nuit de trop. Il est reparti vers : son destin et son roi.

 

Ces héroïnes sont connues :

Madame de vento, Madame de la mure, Madame de Village, Madame de Cauvet, Madame de Fortia, Madame de Bausset, Madema de Roquevaire et toutes les autres dont l’histoire a oublié le nom : leurs dames d’atour, leurs suivantes et leurs domestiques.

La ville leur a rendu hommage, en nommant une voie juste à l’endroit où elles ont comblé la brèche.  Ce lieu s’appelle : le Boulevard des Dames.

 

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