Sylvania

 

Painnt 200426041319SYLVANIA

Texte original de

Françoise Contat

Il y a, au pays de Provence, une jeune fille tendre, gracieuse, secrète, qui ensorcelle par sa beauté le cœur de tous ceux qui la voient. Elle a pour nom Sylvania.

Son teint est frais, sa voix est chaude. Ses yeux sont verts, ses joues sont roses, Et ses cheveux d'un jaune... ocré, d'un vert... bleuté, d'un noir... cendré, sont les plus beaux cheveux du monde. Vigoureux et forts comme un chêne, Souples et doux comme un pin, Parfumés comme un bouquet de lavande.

Un jour en revenant de l'école, la jeune fille dit à sa mère:

- Mère, mes cheveux me gênent pour m'asseoir sur les bancs, ils sont trop longs.

- Nous allons les couper, répond la mère, ils repousseront.

Les cheveux de la jeune fille repoussent.

Vigoureux et forts... comme un arbousier,

Souples et doux... comme un genêt,

Parfumés... comme un lilas d'Espagne.

Quelque temps plus tard, en revenant de l'école, la jeune fille dit à sa mère :

- Mère, les autres enfants s'amusent à me tirer les cheveux, et cela me fait mal.

- Nous allons les couper, répond la mère, ils repousseront.

Les cheveux de la jeune fille repoussent.

Vigoureux et forts... comme un genévrier,

Souples et doux... comme un argéras,

Parfumés... comme un chèvrefeuille.

Une saison passe, mais un soir, en rentrant de l'école, la jeune fille dit à sa mère :

- Mère, il y a des poux à l'école.

- Ce n'est rien, répond la mère, nous allons traiter tes cheveux.

Mais les cheveux de la jeune fille sont trop emmêlés, et tout traitement se révèle inutile.

- Nous allons les couper, décide la mère, ils repousseront.

Les cheveux de la jeune fille ne repoussent pas.

La mère en est très attristée, quant à la jeune fille, elle est toujours aussi tendre, gracieuse, secrète, mais elle est devenue triste, si triste, comme si sa joie était partie avec ses cheveux. Elle se met à errer par les rues et les chemins.

Un jour qu'elle est assise à l'ombre d'un olivier, un jeune homme s'approche d'elle.

- Je connais tes peines, dit-il, veux-tu venir avec moi, je sais soigner les plaies du cœur et celles de l'âme. Confiante la jeune fille le suit. Ils marchent plusieurs jours, se reposant peu, jusqu'à une muraille.

- Voici mon domaine, dit le jeune homme.

- Mais il n'y a pas de porte, répond la jeune fille.

Le jeune homme sort, de sa poche, une petite clé toute dorée et dit

- Regarde.

Un étroit passage vient de s'ouvrir dans la muraille. Un passage si petit, que la jeune fille, qui n'est pas bien grosse, a du mal à le franchir. Elle pénètre alors, dans un parc merveilleux, aux mille senteurs enivrantes. Elle cherche longtemps le jeune homme mais il a disparu. Tous les jours, cependant, elle trouve de quoi se nourrir et se désaltérer, au hasard de ses promenades, comme si quelqu'un savait à l'avance ce dont elle a envi et où elle va passer.

Un jour, en s'éveillant, elle se rend compte que quelque chose a changé. Ses cheveux, ses merveilleux cheveux ont repoussé pendant la nuit. D'un jaune... ocré, d'un vert... bleuté, d'un noir... cendré. Ils sont redevenus:

Vigoureux et forts comme un chêne,

Souples et doux comme un pin,

Parfumés comme un bouquet de lavande.

Elle rit, et danse, faisant tourbillonner sa chevelure comme un voile de mariée.

- Ma mère sera si heureuse, se dit-elle.

A peine, a-t-elle dit ces mots que la petite porte dans le mur s'ouvre. Etonnée, la jeune fille s'y glisse et court jusqu'à sa maison.

Tout a changé, elle ne reconnaît plus rien, désespérée, elle s’enfuit en pleurant.

Au pied de l'olivier, l'attend le jeune homme. Deux grandes ailes lui font comme une cape

- Ne sois pas triste, lui dit-il. Il faut deux cents ans pour que repousse une chevelure comme la tienne. En deux cents ans, le monde a bien changé.

En l'attrapant par la taille, de ses ailes puissantes, il l'emporte dans les airs. La chevelure de Sylvania se met alors à pousser si vite, si vite, qu'elle emplit le ciel d'un nuage poudré. Puis ils disparaissent et une brume légère monte doucement de la terre.

FIN

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