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La grande colère des arbres (Primé-Edité)

LA GRANDE COLERE DES ARBRES

conte original de Françoise Contat

Joback 001 copie

 

Prix "Inventez votre conte" Bayard Presse

Edité en cassette audio par « Notre temps »et « radio bleue »

Lu (et j’en suis très fière) par Dominique Paturel

 

Les élèves d'une classe de C.E.2 m'ont demandé, un jour, un conte sur les dinosaures. Après bien des recherches infructueuses, j'ai eu la chance de recevoir la visite d'une amie qui revenait de Chine. Cette amie m'a ramené un fruit de GINKGO BILOBA, qu'elle avait cueilli sur un arbre de 40 mètres de haut, âgé de 2000 ans. Quand elle est partie, j'ai mis le fruit contre mon oreille, et voici ce que j'ai entendu.

La grande colere 001Bien avant les hommes, le grand-père du grand-père de mon grand-père, vivait sur la terre. Je vous parle d'il y a 70 millions d'années. Ce matin-là, Joback converse aimablement avec son ami Ginkgo. Joback est un anatosaurus, un dinosaure à bec de canard. Oh, il est tout petit, il ne dérange personne ! Ginkgo est un arbre au beau feuillage doré.

 

Joback et Ginkgo vivent sur la falaise, après le grand bois à l'orée de la forêt, au bord du lac dans le marécage. Joback aime fouiller la vase de son bec. Il y découvre de petits animaux, des algues qui lui servent de nourriture. Mais ce qu'il préfère, c'est se coucher au pied de son ami Ginkgo l’arbre, c'est se rafraîchir sous son feuillage quand les rayons du soleil sont trop ardents. Il aime parler avec lui, du ciel, des oiseaux, des nuages. Ils rêvent tous deux des heures au bord du lac. Parfois, Ginkgo lui offre une de ses feuilles dorées et c'est alors comme un rayon de miel dans sa gorge et dans son cœur.

 

Ils sont là, paisibles, quand tout-à-coup, un bruit étrange venant du grand bois les inquiète. Un bruit de branches brisées, de mâchoires. Les terribles lézards sont là. Ils dévorent tout sur leur passage: feuilles, branches, écorces, piétinent, déracinent, arrachent. Une effroyable trouée dans le grand bois avance vers eux. Joback se met à trembler, les terribles lézards sont dix fois plus grands que lui. Il se réfugie, apeuré, au fond du lac et ferme les yeux. Un moment plus tard, Joback sort la tête de l'eau. Aussitôt, son cœur se serre. Comment est-ce possible ?

 

Son ami, son ami Ginkgo l'arbre est méconnaissable. Son tronc est déchiré, ses branches arrachées gisent par terre dépouillées de leurs feuilles. Joback s'approche de son ami, ramasse une branche avec son bec et tente de la replacer, mais en vain. Alors Joback se love autour du tronc, serrant son ami le plus près possible et reste là prostré. L'arbre et la forêt sont très abîmés. Les terribles lézards ont laissé des cicatrices profondes. Pourtant, les jours passant, les plaies se referment et Ginkgo l'arbre, et la forêt retrouvent leur vigueur passée. Ginkgo, dit à Joback :

- Joback, tu peux marcher, tu sais nager, va voir le père des arbres, demande-lui comment se protéger des terribles lézards. Le père des arbres vit sur une petite île, au centre du lac. Joback s'y rend à la nage et pose respectueusement la question de Ginkgo.

- Père des arbres, toi le plus ancien, toi le plus sage, comment se protéger de ceux qui dévastent tout sur leur passage ? Et le père des arbres répond :

- Seule la colère du désespoir peut faire monter dans les feuilles le poison qui détruira les terribles lézards.

 

Ginkgo est doux et lent à la colère. Joback a beau lui expliquer ce qu'a dit le père des arbres, il ne réalise pas bien; et quand la trouée dans le grand bois remonte vers eux, que le bruit de branches brisées, de mâchoires se rapproche, que la terre se met à trembler sous le piétinement impatient des dévoreurs Joback réalise que le temps lui est compté. Ils seront sur eux bien avant que Ginkgo submergé par la colère ait fait monter le tanin dans ses feuilles. Alors, avec des larmes dans les yeux, désespérément, il se met à mordre les branches de son ami, à frapper le tronc de sa queue pour que la douleur active la sève. Les branches de Ginkgo se tendent, ses feuilles dorées virent au pourpre, ses racines irradiées de douleur crient leur désespoir. Sous la terre les racines affolées de Ginkgo communiquent la peur aux autres arbres. Bientôt, la forêt n'est plus que poison. Quand les terribles lézards arrivent, Joback tente encore de les ralentir, mais il se retrouve vite, d'un coup de patte, inconscient au pied de Ginkgo. Les destructeurs, avides de feuilles vertes, mangent, mangent. Bientôt, des douleurs se font sentir dans leurs panses. Le poison fait son œuvre et les terribles lézards s'effondrent un à un au pied du peuple des arbres.

 

Joback est toujours évanoui, au pied de son ami. Alors, Ginkgo choisit sur la plus belle de ses branches, la plus belle de ses feuilles, gorgée de rosée, la détache de la branche et la laisse descendre en volutes délicates jusqu'à la bouche entrouverte de Joback. Attention ! La feuille est pourpre et empoisonnée.

 

Alors la forêt s'anime, ondule et créé un tourbillon de vent léger, qui souffle vers la feuille, la fait remonter, la rafraîchit, l'éclaircit, la purifie. Quand elle arrive dans le bec de Joback, elle a retrouvé sa belle couleur dorée. A son contact, Joback ouvre les yeux, se redresse et, sans un mot, vient poser sa tête sur la première branche de son ami. Il y a 70 millions d'années, le peuple des arbres a vaincu les terribles lézards.

 

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