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Athéna

Par Françoise contat

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Quand j’ai eu mes enfants j’avais peur de tout ce qui pourrait leur arriver. Cette nouvelle fait partie d’un  groupe de quatre que j’ai réunies sous le titre : « quatre nouvelles d’une vieille enfant » et que j’ai écrites pour exorciser cette peur.

         Elle s'appelle Athéna et tel son illustre homonyme, elle pourrait incarner la déesse de la beauté. Des cheveux noirs et brillants, des yeux bleus et profonds, une peau de satin, et un caractère raisonnable et réfléchi.

Athéna regarde évoluer la famille guppy dans l'aquarium de sa chambre. A midi, elle y a ajouté un couple de néon, et il semble que le mâle guppy ait peur des nouveaux arrivants, il fait face aux importuns. La femelle, cachée derrière lui, protège ses petits. Quand je serai grande, moi aussi, je protégerai mes enfants, se dit-elle. Athéna ouvre son cartable et se met au travail. Les devoirs sont faciles, il suffit de bien s'appliquer. Sa chambre est calme et tranquille, ses deux sœurs jouent en bas.

Depuis que les parents d'Athéna ont acheté ce duplex toute la famille se sent beaucoup plus au large. Une fois de plus elle se conforte dans son opinion. La vie dans un immeuble en ville ne peut se concevoir qu'avec un espace réservé à chacun. Pourtant, la nuit, Athéna partage la chambre avec ses sœurs. Une autre pièce est réservée aux jeux, ainsi la chambre est, elle, toujours rangée. A l'étage où elle se trouve, il y a aussi la salle de bains et la chambre de ses parents. Un bien joli appartement, plein de soleil et de joie.

– Athéna, Athéna ! C'est sa maman qui l'appelle pour le repas du soir. Ils mangent toujours assez tôt en semaine. Athéna descend le petit escalier en colimaçon qui mène à l'étage inférieur vers la cuisine et le séjour. Elle trouve sa mère en grande discussion avec ses sœurs Sabine et Babette, au sujet de l'utilisation du bas du placard. Maman revendique, en souriant, le droit d'utiliser sa cuisine comme elle l'entend, mais les petites veulent garder le placard pour jouer à cache-cache. Athéna sourit. Elle sait très bien que maman cédera une fois de plus. Sabine et Babette, dans cet appartement aussi, ont élu domicile sous l'évier, dans la penderie de l'entrée et dans le placard de la salle de bains. Dans toutes ces cachettes, elles amassent leurs trésors : coquillages, pierres de toutes origines, perles multicolores et boîtes à secrets.

Vers 20 h 30, les trois fillettes montent se coucher, tandis que leur père s'installe devant la télévision. Leur maman qui les a accompagnées, aide rapidement les petites à se déshabiller car  elle ne veut pas rater le début du film. Athéna se glisse dans sa jolie chemise de nuit rose parsemée de petits cœurs et pleine de volants romantiques.

Leur maman les embrasse tendrement toutes les trois et dit :

– Bonne nuit mes trois bonheurs, et elle éteint le plafonnier. Athéna allume sa lampe de chevet et feuillette son livre préféré: Alice au pays des merveilles. Ses paupières sont lourdes et petit à petit, le livre glisse de ses mains.

Elle est réveillée en sursaut par le hurlement du chien loup du troisième étage. Oh que ce cri est terrifiant ! Elle se sent barbouillée, peut-être a-t-elle trop mangé de mousse au chocolat. Elle referme son livre, le pose sur la table de chevet et s'apprête à éteindre.

 Elle regarde, comme à son habitude, une dernière fois son aquarium et les petits poissons qui dorment paisiblement.

Bizarrement, l'eau de l'aquarium se met à bouger, à onduler. Une vague se forme, et vient frapper le bord de l'aquarium avec violence. Une autre vague se forme, puis une autre et encore une autre. Le lit d'Athéna se met à bouger, l'immeuble a un grand frisson. On dirait qu'une main invisible renverse les livres de la bibliothèque. Les "cache-mailles", sur les étagères, tombent avec force et éclatent littéralement en morceaux, disséminant des pièces aux quatre coins de la chambre. Le lit superposé des petites se met à craquer. Sabine en larmes essaie de descendre. Athéna se précipite, et l'attrape juste au moment où elle va tomber. Babette, les yeux à peine ouverts, est assise sur son lit. Un nouveau sursaut. La terre vibre. Elles se retrouvent toutes trois à terre,

Babette se met à crier:

– Maman, maman! C'est vrai, se dit Athéna, où sont papa et maman ? Mais elle se rassure. En bas, certainement, en bas devant la télévision. A ce moment, un fracas épouvantable les fait se retourner toutes les trois. L'aquarium vient d'éclater et une énorme masse d'eau se répand sur le parquet, imbibant le joli tapis représentant Minnie et Mickey.

– Il faut à tout prix partir d'ici, dit Athéna.

Tenant Babette dans ses bras et Sabine, par la main elle se dirige vers la porte entrouverte. L'appartement est dans l'obscurité et aucune fenêtre dans le couloir ne peut laisser filtrer la lumière de la rue. Le seul point lumineux est l'escalier au bout du couloir. L'immeuble frissonne à nouveau. Le tremblement augmente. Athéna a du mal à se tenir debout. Elle se cogne le coude contre le mur du couloir et, sous le choc et la douleur, laisse glisser sa petite soeur. Quelques instants plus tard, elles sont toutes les trois assises par terre, serrées les unes contre les autres.

– Je veux mon nounours! S'écrie Babette. Et, avant qu'Athéna n'ait pu la retenir, elle se précipite dans la chambre. A l'instant où Athéna les récupère, elle et son nounours, une partie de la maison s'effondre. Elles retrouvent Sabine qui, sans un mot, désigne de son doigt le bout du couloir où elles se dirigeaient. Il n'y a plus rien. Plus de couloir, plus d'escalier, plus de toit. Je me demande où nous serions si Babette n'avait pas voulu reprendre son nounours, se dit Athéna. Elle prend ses deux sœurs contre elle et recule dans le couloir. Toutes trois ont les pieds mouillés et commencent à avoir froid. Avec précaution, Athéna entrouvre la porte de la salle de bains. Curieusement, dans cette pièce, rien n'a bougé. Les verres à dents sont toujours sur l'étagère, les serviettes à leur place. Les trois fillettes se sèchent rapidement et enfilent leurs peignoirs de bain sur leur vêtement de nuit. Au même moment, la baignoire craque, le chauffe-eau grince. Les trois fillettes sont tétanisées. Elles n’osent plus bouger. Un des rivets du chauffe-eau est projeté contre l'armoire à pharmacie. Dans un craquement, une longue fissure zèbre le mur. A nouveau, en silence,  Athéna attire à elle ses deux sœurs et à reculons les trois petites se réfugient dans le bas du placard de la salle de bains dont la porte est restée entrouverte.

Là, dans leur refuge secret, les petites filles reprennent courage. Une vieille couverture les réchauffe. Quelques bonbons les réconfortent. La pénombre et la chaleur du placard ont bientôt raison de Babette puis de Sabine qui s'endorment. Athéna reste longtemps à réfléchir. Que faire? Mais bientôt pour elle aussi, les émotions de la nuit sont les plus fortes et elle s'endort d'un sommeil agité.

Elle rêve... Elle est à la plage, elle a chaud, elle veut plonger mais l'eau est gelée. Un maître-nageur dit :

– Je ne les trouve pas, chef, la chambre est vide, il n'y a même plus de murs. Non, ce n'est pas un maître-nageur, Athéna vient de réaliser, on parle dans le couloir, à côté d'elle. Elle veut hurler, mais aucun son ne sort de sa bouche. Elle tremble, ses jambes lui font mal.

– Cette pièce! Comment veux-tu qu'elles y soient? La porte est complètement coincée! Continue la voix.

Il faut que je fasse du bruit, se dit Athéna et elle se met à frapper sur le mur. Mais ses petits poings ne rendent qu'un son étouffé. Elle cherche à tâtons autour d'elle quelque chose pour faire du bruit. Une poupée, un ours, des "tarriettes"... cela ne fait pas de bruit. Sa main touche enfin, dans le noir, un objet que d'ordinaire elle ne supporte pas. Elle a souvent reproché à ses sœurs de l'utiliser. Mais, aujourd'hui, c'est la plus belle des trompettes.

Athéna souffle, souffle de toutes ses forces. Des étoiles dansent devant ses yeux, mais elle continue à souffler. Alors, à travers le mince filet de l'ouverture de la porte, en même temps que la lumière de la lampe torche, Athéna voit le casque étincelant du plus beau des pompiers.

 

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