Michel Zanacoïs:L'acccent
De l’accent ! De l’accent ! Mais après tout en ai-je ?
Pourquoi cette faveur, pourquoi ce privilège ?
Et si je vous disais à mon tour gens du Nord
Que c’est vous qui pour nous, semblez l’avoir très fort;
Que nous disons de vous, du Rhône à la Gironde,
“Ces gens-la n’ont pas le parler de tout le monde”.
Et que tout dépendait de la façon de voir
Ne pas avoir d’accent, c’est encore en avoir;
Mais je blasphème et je suis las de feindre:
Ceux qui n’ont pas d’accent je ne puis que les plaindre.
Emporter de chez soi, ses accents familiers
C'est emporter un peu sa terre à ses souliers
Emporter son accent d’Auvergne ou de Bretagne
C’est emporter un peu sa lande ou sa montagne
Lorsque loin du pays le cœur gros on s’enfuit
L’accent c’est un peu ce pays qui vous suit
C’est un peu cet accent invisible bagage
Le parler de chez soi qu’on emporte en voyage
C’est pour les malheureux à l’exil obligé
Le patois qui déteint sur les mots étrangers
Avoir l’accent enfin, c’est chaque fois qu’on cause
Parler de son pays en parlant d’autre chose
Michel Zanacoïs
Non ! Je ne rougis pas de mon fidèle accent !
Je veux qu’il soit sonore et clair, retentissant
Et m’en aller tout droit, l’humeur toujours pareille
En portant mon accent fièrement sur l’oreille
Mon accent, il faudrait l’écouter à genoux
Il nous fait emporter la Provence avec nous
Et fait chanter ma voix dans tous mes bavardages
Comme chante la mer au fond des coquillages !
Ecoute ! En parlant je plante le décor
Du torride Midi dans les brumes du Nord
Mon accent porte en lui d’adorables mélanges
D’effluves d’orangers et de parfums d’oranges
Il évoque à la fois le feuillage bleu-gris
De nos chers oliviers aux vieux troncs rabougris
Et les petits villages où les treilles splendides
Eclaboussent de bleu la blancheur des bastides
Cet Accent-là : Mistral, cigales et tambourins
A toutes mes chansons donnent un même refrain
Et quand vous l’entendez chanter dans ma parole
Tous les mots que je dis dansent la farandole.
Michel Zanacoïs
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