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Chipakapack

             Chipakapack

                  Illustration de l'auteur

J’avais entendu ce conte, à moitié endormie, dans une nuit du conte je ne sais où. Je l’avais mis dans un coin de ma mémoire car je le trouvais trop bizarre pour le raconter. En ce temps-là, je travaillais en semaine, comme conteuse, pour l’Education Nationale et le mercredi toujours comme conteuse à l’hôpital nord à Marseille. Un mercredi donc, le psychologue qui m’indiquait les chambres où me rendre, me dit qu’une enfant de cinq ans avait été admise après un accident de voiture qui avait mis le reste de sa famille entre la vie et la mort. Elle n’avait pas dit un mot depuis cinq jours.

-Vas-y. Me dit-il, essaye, tu ferais parler les pierres !

Je frappais à la porte. La tante de l’enfant exténuée en profita pour sortir prendre un café. J’ouvrais ma boîte à conte en expliquant, comme aux autres enfants, qu’une histoire était attachée à chaque objet et qu’elle pouvait choisir. Comme elle ne réagissait pas, ce conte, du fond de ma mémoire, m’est venu aux lèvres.

 

          C’étaitCoyote et merlebleu l’heure bleue, le moment où le soleil n’est pas encore levé et où la lune est déjà couchée. C’était l’heure bleue et Chipakapack se promenait.
Chipakapack, c’est le coyote. Il a tout vu, tout appris, tout su, tout compris.

Chipakapack, donc, se promenait, quand il aperçut un éclair bleu. C’était un petit oiseau qui venait de se poser sur les pierres de fer. Chipakapack s’approcha, prêt à bondir - c’est agréable de manger un petit oiseau à l’heure bleue - quand il s’arrêta net. Le petit oiseau aiguisait son bec et ce faisant, il faisait jaillir des étincelles des pierres de fer. Chipakapack intrigué différa son attaque pour l’observer.

Une fois son bec aiguisé le petit oiseau posa une aile sur la roche dure, posa l’autre aile de même, et se mit à faire tourner sa tête en disant :

-Saute dans le ciel mes yeux, saute dans le ciel mes yeux,  saute dans le ciel mes yeux ! Biszz !

Et les yeux du petit oiseau s’envolèrent dans le ciel bleu. Chipakapack n’en croyait pas les siens. Les yeux du petit oiseau volaient tout seul sans aide aucune. Ils volèrent un moment. Chipakapack regardait. Puis le petit oiseau posa une aile, posa l’autre aile, et se mit à faire tourner sa tête dans l’autre sens en disant :

-Reviens mes yeux dans la maison, reviens mes yeux dans la maison, reviens mes yeux dans la maison !

Et les yeux du petit oiseau revinrent dans sa tête. Tac !

D’un bon Chipakapack fut sur lui.

-Qu’est-ce que c’est ? Moi qui ai tout vu, tout appris, tout su, tout compris « J’ai » jamais vu ça !

-Bonjour. Dit le petit oiseau.

-Pourquoi tu fais ça ?

-Parce que quand je suis plus haut, je vois plus loin, je vois tout à l’horizon et je prends la distance des choses ;

-Ah,

-Et puis ça m’enlève les piverts dans la tête.

-Tu as des piverts dans la tête ?

-Ben non ;  puisque je distance.

-Je veux faire comme toi ! Dit Chipakapack tout excité. Et le petit oiseau dit :

-Non !

-Je veux faire comme toi ; je suis Chipakapack ! Je suis celui qui a tout vu, tout appris, tout su, tout compris. Je veux faire comme toi. Et le petit oiseau dit :

- Comme tu veux !

Chipakapack posa une patte sur la roche dure, posa l’autre patte de même, et se mit à faire tourner sa tête en disant :

-Saute dans le ciel mes yeux, saute dans le ciel mes yeux, saute dans le ciel mes yeux ! Biszz !

Et les yeux de Chipakapack s’envolèrent dans le ciel bleu d’azur. Aussitôt il se mit à crier :

- Au secours, ça tourne, j’ai mal au cœur !

Sans attendre Chipakapack posa une patte, posa l’autre patte, et se mit à faire tourner sa tête dans l’autre sens en suppliant :

-Reviens mes yeux dans la maison, reviens mes yeux dans la maison, reviens mes yeux dans la maison ! Tac !

Les yeux de Chipakapack  revinrent dans sa tête. Ouf !

-Quelle aventure, quelle expérience ! Dit Chipakapack.

-Alors tu as toujours des piverts dans la tête ? Demanda le petit oiseau en souriant malicieusement.

-Je ne sais pas. Répondit  Chipakapack. J’ai pas eu le temps de réfléchir.

-Je veux essayer une deuxième fois, ajouta Chipakapack.

-Je te le déconseille, dit l’oiseau.

-Je veux essayer une deuxième fois. Et le petit oiseau dit ………. Tant pis !

Chipakapack posa une patte, posa l’autre patte, et se mit à faire tourner sa tête en disant :

-Saute dans le ciel mes yeux, saute dans le ciel mes yeux, saute dans le ciel mes yeux ! Biszz !

Et les yeux de Chipakapack s’envolèrent dans le ciel bleu d’azur. Là, le coyote, maitrisa le vol de ses yeux en serrant les dents. Ils volèrent de droite et de gauche et finirent par se poser sur une branche en équilibre tout en haut d’un arbre, dans la canopé. Waou !

De la branche de l’arbre, Chipakapack voyant, tout en bas, son corps sur le sol, et le petit oiseau, et les pierres de fer. Il voyait aussi très loin, jusqu’au grand Orénoque, et jusqu’à la grand eau. Sûr ! Il était plus haut. Voila qu’il distançait les choses.

Il ne pensa pas aux piverts, mais un peu inquiet, quand même, il décida de ramener ses yeux.

Chipakapack posa une patte, posa l’autre patte, et se mit à faire tourner sa tête dans l’autre sens en disant :

-Reviens mes yeux dans la maison, reviens mes yeux dans la maison, reviens mes yeux dans la maison.

Mais les yeux de Chipakapack ne revinrent pas dans la maison. Il insista.

-Reviens mes yeux dans la maison, reviens mes yeux dans la maison, reviens mes yeux dans la maison.

Mais les yeux de Chipakapack ne revinrent pas.

Alors il décida de grimper à l’arbre pour récupérer ses yeux. Mais, sans ses yeux, il n’y voyait rien. Il ne voyait, ni l’arbre, ni ses yeux. En plus en bougeant l’arbre il ne réussit qu’à faire tomber ses yeux sur le sol, qui roulèrent et s’engouffrèrent  aussitôt dans un trou de taupe.

La taupe ramassa, les yeux, avec ses petites pattes et dit en les essayant:

-Dans la maison les yeux !

Chipakapack supplia maintes fois Manitou de lui rendre ses yeux, mais Manitou avait la tête ailleurs.

L’oiseau bleu s’envola dans le ciel bleu azur du matin.

Quand à la taupe, elle à longtemps remercié Manitou car, même à moitié aveugle et dans le noir de ses galeries, elle n’a jamais regretté ces yeux.

FIN

J’ai fermé ma boite à histoire, inutile, et j’ai regardé la petite fille, déjà sa tante revenait d’avoir bu son café. En me retournant la main sur la poignée de la porte de la chambre je leur ai dit au revoir. Et j’ai entendu :

-Au revoir madame.

Malgré le sourire radieux de la tante et les félicitations du psychologue je continue à penser que je ne suis pour rien dans cette guérison et que seul ce conte, entendu entre chien et loups, la tête pleine de sommeil, à su soulager cette petite fille en lui enlevant les piverts dans la tête.

NDLR : Odin a sacrifié son œil pour boire l’eau du savoir.

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