L'épouse maudite

 

L’épouse maudite

Je vous parle d’un temps hors du temps

Je vous parle d’un pays en Afrique tout en bas de la corne

Je vous parle de la plaine de Tayré et du lycée de Sireya.

Je vous parle d’un centre d’éducation révolutionnaire.

Nous sommes en septembre. Jean-Paul Stephen, son capes en poche, commence son stage pour valider son professorat de français.

 

Il a toujours souhaité vivre en Afrique et il est le plus heureux en visitant les locaux du lycée ou il a en charge les élèves de terminale.

Là il s’étonne de voir à la place de la cour ou déambulent habituellement les étudiant un chantier de fabrication de brique d’argile et de paille.

Le surveillant, en tenue militaire, lui explique que chaque étudiant est tenu, s’il veut passer les examens, de savoir faire 300 briques parfaitement.

Avant qu’il n’ait le temps de lui demander la raison culturelle de cette pratique un homme apparait.

Il est d’une stature supérieure à la moyenne. Un cou de taureau,  tout en muscle, des bras comme des cuisses. Sa chemise militaire dont il a remonté les manches laisse voir une peau noire et luisante. Dans sa main une cravache dont il joue à se frapper successivement la cuisse et l’autre main.

-Je vous présente notre premier responsable politique : Monsieur Benté Bobo, dit le surveillant avec fierté.

Bente Bobo n’a pas un regard pour Jean-Paul Stephen. Il l’écarte d’une ruade et, du haut de l’allée de béton qui le préserve du bourbier dans lequel pataugent les étudiants, il lance sa cravache vers le visage d’un des leurs. La peau noire se marque de rouge. Jean-Paul Stephen à un haut le cœur. Aussitôt un autre surveillant se rue sur le tas de brique et détruit tout le travail du pauvre garçon. Benté Bobo fais demi-tour et marmonne en les croisant. : Je saurais bien leur apprendre, moi, à respecter la loi !

Quelques jours plus tard Jean-Paul Stephen remonte l’allée centrale de sa salle de classe et voit, sur le visage d’un de ses élèves de terminale, la zébrure brune. Aucun doute c’est le jeune homme agressé par le responsable politique.

A la fin du cour il demande au garçon s’il connaitrait quelqu’un qui pourrait lui apprendre la langue et les traditions de son pays.

Le lendemain le jeune homme l’accompagne dans un village proche où il lui présente un vieillard à barbe blanche. Jean-Paul Stephen commence son apprentissage. Un soir le vieil homme, fatigué, demande à sa petite fille de faire le cour à sa place.

Jean-Paul Stephen est saisi. La jeune fille Peuhle est d’une grande beauté. Il est fasciné. Les leçons se succèdent comme dans un rêve. Curieusement il ne revoit plus le vieil homme.

Mama Ranny, puisque c’est son nom, a été sensible au charme du français. Elle lui enseigne la langue peuhle, et aussi tout ce qu’il y a à savoir sur son pays. Ils font de longues promenades ensemble. L’amour les rapproche et, juste avant Noël Jean-Paul Stephen épouse Mama Ranny.

A partir de janvier Jean-Paul Stephen doit préparer le spectacle de fin d’année. Comme ses collègues de l’époque il choisit une pièce sur la décolonisation. Le ventre de Mama Ranny s’arrondit Jean-Paul Stephen vit sur un nuage. Le soir du spectacle arrive. La salle se remplit. Le professeur frappe les trois coups et le spectacle commence. Avant la fin du premier acte il y a un brouhaha dans la salle la porte s’ouvre et Benté Bobo apparait suivi de ses sbires armés. Il renvoi les spectateurs du premier rang et en crachant par terre s’installe à côté de Mama Ranny tandis qu’un homme inconnu s’installe de l’autre côté de la jeune femme. La salle tremble de peur. Le spectacle continue quelques temps quand, soudain, sur un geste de Bente Bobo, l’armé envahi la salle et, montant sur scène, capture les acteurs et leur professeur.

Deux jours plus tard Mama Ranny supplie le responsable de la milice pour avoir le droit de venir nourrir son mari. Elle le trouve nu et menotté à la grille de sa cellule. Le pauvre garçon porte sur elle un regard hagard et épuisé. C’est alors qu’elle remarque de petites brulures sur tout son corps. Il lui dit que Bente Bobo est venu le voir dans sa cellule suivi d’un homme inconnu qui a soufflé dans une petite boite avant de le quitter. Mama Ranny à compris elle court chez « Tante Rani » la prophétesse. Celle-ci lui donne aussitôt un pot d’onguent mais elle la retient quelques instant pour lui dire : Reviens vite je crois que tu as été maudite !

Mama Rani a couru aussi vite que son gros ventre le lui a permis. Elle est entrée dans la cour de la prison, elle s’est jetée au pied de son époux. Son corps n’était qu’une plaie. C’était trop tard. Le garde a compati la main sur son épaule : Son calvaire est fini. 

En septembre Mama Rani a accouché d’un garçon qu’elle a confié à sa mère sans le regarder.

En Octobre elle s’est promené sur la grand place et a revu Bente Bobo. Un mois plus tard ils étaient mariés.

Installée dans la grande maison Mama Rani attend. Elle écoute la radio locale en buvant du café. Bientôt la nouvelle tombe :

-Nous vous informons du décès de notre premier responsable politique : Monsieur Benté Bobo.

Au carrefour de la plaine de Tayré sa jeep est tombée dans le cloaque qui draine la boue à faire les briques du lycée de Sireya les soldats n’ont rien pu faire pour l’aider. Ils ont dit que la boue l’avait aspirée comme si elle avait été gourmande de son corps.

Mama Ranny sourit et se lève. Elle doit se rendre chez « Tante Rani » pour demander aux Cauris de lever la malédiction qui condamne à mort tous les hommes qui l’aiment.

Après, sereine, vengée, elle pourra marcher la tête haute et récupérera son fils.

Qui croit en cela lui fait vérité.

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